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«LE PREMIER RETOUR», UNE HISTOIRE ÉCRITE PAR SERGIO BARCE

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Algunos amigos de Marruecos, que dominan mejor el francés, me han sugerido más de una vez que tratara de publicar algo en ese idioma. Para ellos, EL PRIMER REGRESO traducido al francés.

LE PREMIER RETOUR

Sergio Barce

JARDÍN DEL BALCÓN DEL ATLÁNTICO
JARDÍN DEL BALCÓN DEL ATLÁNTICO

La première fois que je suis revenu à mon pays il s’était écoulé plus de quinze ans depuis que je l’avais quitté avec ma famille. Oui, incompréhensiblement avaient passé trop d’années sans revenir, sans savoir rien que ce que quelqu’un nous racontait et qu’à son tour, il avait écouté d’un troisième. Trop d’années, et cependant tout semblait continuer à être à sa place. Les rues avaient changées à peine. Dans les murs des édifices j’ai découvert les mêmes puces et les mêmes crevasses d’alors. Cétait comme si je n’étais jamais parti de Larache.

L’ancienne Place d’Espagne, rebaptisée en son temps Place de la Libération, continuait à être la  obligée de celui qui entre dans la ville, avec son air de la matrone qui protège dans son giron à qui cherche le refuge de ses bras accueillants.

Les arcades, construites sous l’effet d’un parfait compas d’un rythme alternant des creux et des arcatures, continuaient à protéger les cafés et les boutiques du soleil plombé de l’été. Seule la fontaine et ses jardins avaient complètement changés. Les brillants carrelages bleus clair et blancs, si andaloux et si marocains, avaient laissé la place à une source anodine, presque stalinienne, étrangère à l’environnement des façades blanches et bleues. Même les poissons de couleurs que les enfants avaient l’habitude d’admirer avec imagination étaient morts dans l’étanchéité d’un paysage difforme. Quelque peu paradoxale, étant donné que le nom primitif de Larache, al-Arà´is,, signifie jardin de fleurs.

Je marchais sur les trottoirs avec l’assurance de celui qui marche dans son quartier, à côte des voisins de toujours. Aucun visage ne m’était familier, mais aucun ne m’était étranger. Il en était de même pour la brise qui montait avec douceur depuis les falaises, je pouvais la reconnaître en la sentant sur mon visage, en la humant. A tout moment, je sentais le martèlement de mon cœur, retentissant avec impatience, et avançais avec l’enthousiasme inespéré de mon enfance, soudain retrouvé. Inconsciemment, je m’étais dirigé vers le Balcon de l’Atlantique.

Je suis passé près du château de San Antonio, abandonné à son triste sort, survivant à genoux, soutenant le poids de sa ruine sur quelques murs calcinés et sablonneux. Je me suis montré au balcon pour m’enivrer de l’océan vert émeraude, pour sentir avec plus d’intenté la caresse de son souffle, pour écouter le fracas suicidaire des vagues. Bien qu’arriver là-bas même ne fût pas là tout à fait accidentel. En réalité, il existait un autre motif plus puissant : j’étais impatient de retourner à la maison où j’avais vécu une grande partie de mon enfance. J’avais le consulat espagnol au dos et j’ai tourné la tête vers la gauche, avec la crainte de ne pas la trouver. Mais le bâtiment était encore sur pied, un peu plus triste et, aussi, un peu plus vieux.

Sa façade de deux étages, juste en face du Balcon, sur l’avenue de Moulay Ismaïl, était grièvement blessée, comme le reste des anciens bâtiments de la ville. Elle avait plusieurs cicatrices et semblait saigner. Je me suis approché avec l’incertitude de savoir si ses habitants me permettraient d’y entrer. J’en avais envie et le craignais. Je croyais m’en rappeler jusqu’à ses moindres détails et j’y allais disposé à le vérifier.

Je montai lentement l’escalier. Tout s’était fait plus petit, plus accessible. Il sentait les épices et la viande d’agneau. Je me suis arrêté sur le palier, face à la porte, face à la même porte marron. Une sorte de crainte absurde m’étreignait, la peur indéchiffrable de quelque chose de vague, mais ma main droite frappa avec le poing jusqu’à ce que, du fond de l’intérieur, quelqu’un a répondu avec des syllabes inintelligibles.

Le volet s’est ouvert timidement, à peine suffisant pour permettre au visage d’une femme âgée, ridé et peint au henné, de me dévisager avec inquiétude. Elle a dit quelque chose en arabe. Comme elle vit que je ne comprenais pas, elle a fait appel à son maigre espagnol, mais finalement je me suis ingénié à lui faire comprendre que sa maison avait été ma maison et que je lui demandais la permission d’entrer.

– Mon mari dehors. Seule …

C’était une femme à l’ancienne mode, respectueuse des coutumes et, bien sûr, timide, malgré l’âge. J’ai acquiescé, compréhensif. La femme doit avoir vu ma déception dans la façon dont j’ai baissé la tête ou dont j’ai détourné les yeux, déçu et frustré, et seulement alors a-t-elle osé ouvrir la porte tout à fait.

-S´alam m´alecum –dit-elle. Seulement un moment, s’il vous plaît, a-t-elle ajouté aussitôt, comme pour que je sache que c’était un geste de courtoisie extraordinaire de sa part. Probablement elle ne voulait pas que je m’attarde au cas où son mari arrive.

J’ai retrouvé le courage et je l’ai remercié pour son amabilité avec quelques révérences, en inclinant la tête. Elle sembla satisfaite et me laissa entrer.

De la même manière avec laquelle j’ai récupéré le courage, je l’ai perdu à l’instant. Une fois à l’intérieur, je n’ai rien reconnu de ce paysage désolé. Les propriétaires étaient en travaux, ils refaisaient l’appartement, et ils avaient abattu tous les murs. Le sol était entièrement recouvert de décombres. Une grande pièce difforme et en ruines était l’unique chose que je voyais depuis l’entrée. La femme entrevit à nouveau mon échec, bien qu’à cette occasion elle comprît qu’il était si écrasant qu’elle ne pourrait pas me consoler. De sorte que, poliment, elle s’éloignât de quelques pas de moi pour me laisser seul avec cette dévastation démolisseuse.

-Je suis désolée, je le jure au nom de Dieu … – m’a-t-elle dit à voix basse depuis le fond de la maison.

J’ai nié avec la tête. Quelle faute avait elle dans le fait que j’avais choisi le pire moment pour revenir. J’ai maudit l’heure dans laquelle j’ai décidé de retrouver mon ancienne maison.

J’ai continué un bon moment là-bas, sans bouger, au milieu de la solitude de ses murs abattus, avec les pieds écrasant des morceaux inertes de briques et de ciment sec. L’air, dense et ardent, était griffonné par la poussière qui continuait de flotter sans parvenir à se déposer.

Je fis un pas, maladroit, très court, et je me suis arrêté. A ce moment là, à ma droite, j’ai vu mon grand-père Manuel, le père de mon père, qui sortait de sa chambre en ajustant en premier son béret et, ensuite, ses lunettes rondes aux montures de pâte brune.

-Je vais au Centrale me boire un petit café.

Tout à coup, j’ai compris que mes pieds aplatissaient une partie de mon passé, que les souvenirs de cette maison gisaient dans le sol, agonisants. J’ai pensé que, peut-être, après tout, arriver ce jour-là avait été un truc intelligent du destin. J’étais témoin des derniers râles de cet hier qui mourait devant mes yeux.

J’ai fait un autre pas, puis un autre, marchant sur ces bouts de souvenirs fragiles, sur des morceaux pleins d’espoir, de rêves, de rires, de battements mélancoliques. Je marchais avec prudence, comme si je pouvais aplatir par inadvertance un baiser de ma mère, une caresse faite par mon dans le dos de sa femme, un câlin caché au grand-père Manuel. Tout cela restait enfermé entre les briques brisées, sous les tas de ciment sablonneux. J’ai pressenti que, cependant, les voix, les mots, les susurrements, continueraient d’être entendus dans l’écho ineffaçable de la mémoire.

Sans les murs des chambres, le rectangle étroit de cette maison me semblait irréel, ce pouvait être un bâtiment de n’importe quelle partie du monde ou bien un tableau de nature morte. J’ai fait demi-tour, étourdi, confus. La femme marocaine semblait avoir complétement oublié ma présence et s’efforçait maintenant de remplir un sac avec les débris.

Mais soudain, au milieu de ce territoire aride et hostile, j’ai reconnu mon foyer. Il était là, au fond, emprisonné dans le cadre d’une fenêtre solitaire. Dans ses frontières limitées, le vert émeraude de la mer. Assurément, c’était la fenêtre du salon de ma maison, cette fenêtre où nous nous penchions ma mère et moi quand nous entendions le coup de sifflet caractéristique de mon père de retour à la fin de l’après-midi ou quand nous attendions avec impatience l’arrivée du serveur chinois qui apportait sur un plateau argenté la paella fraîchement cuite au Casino.

J’a trébuché sur une brique, sur un reste poussiéreux d’un passé déjà lointain, mais j’ai continué à avancer attiré par l’appel inéluctable de cette fenêtre. J’étais ému. Ma maison, elle en entier, m’attendait dans cet espace réduit, un espace vide avec un paysage dans le lointain. Je marchais, déjà sans contemplations et sans complexes, sur toutes et chacune des expériences de la vie de mes parents, de mon grand-père, de mon enfance inoubliable, qui étaient restées attardées là-bas même.

A peine deux ou trois mètres me séparaient de la fenêtre du salon, mais dans cette étroite trajectoire, si intense, si incroyable, je saisis que ma vie ne pourrait se comprendre qu’avec le souvenir permanent de ces jours, qui gardait au plus profond de moi même des détails simples mais ineffaçables: l’odeur de la madrague, le vacarme qui éclatait dans la procession de la sainte Patronne Lalla Menana, le fracas des vagues qui se brisent contre les rochers sur le balcon de l’Atlantique, la légende du théatre España, la sensation de la boue dans mes pieds quand je m’enfonçais dans les eaux du Lükus, la Raba, avec le tumulte lointain des sangliers en débandade, l’aventure que supposait la traversée en barque de l’embouchure du fleuve, l’odeur de poisson et d’épices qui descendaient des marches du Marché Central, l’image du guerrab qui se postait à l’entrée de la rue Real en offrant son eau aux plus assoiffés, ce thé à la fleur d’oranger, que nous prenions à l’ombre du château des cigognes, dans le jardin des Hespérides. J’ai également réalisé que continuaient aussi à ‘être vivants ces crépuscules safranés que nous contemplions ébahies depuis le château de San Antonio, l’écho du muezzin appelant à la prière ou annonçant le début du Ramadan, le brouhaha des passages étroits de la Burraquía dans lesquels je gambadais avec mes amis, la musique qui échappait par-dessus des murs du Casino, les écrans magiques de l’Ideal, de l’Avenue et du Colisée, qui me transportaient au vieux far-ouest, ou en l’Arabie légendaire. Je me voyais de nouveau monter la rue Chinguiti, entrer dans les jardins majestueux du Palais de la Duchesse de Guise, m’arrêter au petit café de la station de la Valenciana pour prendre un café sous les pales géantes et rances de ses ventilateurs épuisés, saluer Sœur Marie qui me surveillait depuis la fenêtre du collège Notre-Dame des Anges, revenir à ma classe de les Maristas, passer par le collège Luis Vives, arriver au club hippique et m’introduir par la futaie de Vivero pour m’allonger au milieu de son silence uniquement rompu par le gazouillement des tourterelles. Et c’est ainsi que j’ai compris que je n’avais jamais tout à fait sorti des rues du quartier de Las Navas, que j’entendais encore les cris qui montaient des tribunes du stade de Santa Barbara, que je me voyais encore une fois courir dans toutes ses ruelles avec l’impétuosité débordante et l’inconsciente joie de l’enfance.

Tout cela je l’ai revécu dans ces quelques minutes, quelques minutes suspendues dans le vide. Quand j’ai réussi à arriver à la fenêtre, je me suis arrêté à nouveau et j’ai commencé à tirer avec insistance le bord de la robe de ma mère jusqu’à ce qu’elle me saisisse fermement par la taille, et m’incorpore à la chaise qu’elle avait à côté d’elle, et m’appuyant contre sa poitrine, nous réstions à regarder en silence cet horizon vert l’émeraude qui se berçait là-bas en bas de la falaise, cadencé, hypnotique

(Traducción al francés:  Fatima El Bouhtoury – Charrier)

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